Sélectionner une page

 

Violation du devoir de diligence – Devoir d’information

Tamara Morgado

Avocate


Ces derniers mois, le COVID a, d’une part, suscité un sentiment d’insécurité et un besoin d’investir dans quelque chose de « sûr », comme la pierre, et a, d’autre part, développé un besoin d’espace notamment à cause du télétravail. De fait, nombreux sont ceux, aujourd’hui, à vouloir acheter un bien plus grand à la « campagne ». Cette soudaine frénésie autour de l’achat immobilier manque parfois de rationalité. Quand on observe, dans certaines régions, le nombre de personnes qui se bousculent à une vente immobilière et la vitesse à laquelle cette vente est conclue, il y a de quoi s’interroger. Sommes-nous réellement prêts à acheter une maison comme on achèterait une baguette de pain ?

 

 

Le devoir d’information de l’entrepreneur

 

 

Les ventes sur plans se concluent très rapidement et, face à l’adrénaline que peut susciter l’acquisition de la villa de nos rêves, ce petit rappel s’avérera certainement utile. Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a traité d’un exemple « classique » de violation du devoir d’information que l’entrepreneur est tenu de dispenser au maître de l’ouvrage. (ATF 4A. 273/2019, 4A_281/2019, SJ 2020 I p.424). Le devoir d’information de l’entrepreneur découle de son devoir général de diligence et de fidélité (364 al.1 CO).

L’entrepreneur est le professionnel et, en cette qualité, il doit notamment conseiller le maître d’ouvrage et lui signaler toute circonstance importante pour la bonne exécution de l’ouvrage. A défaut, l’entrepreneur viole son devoir d’information et l’on doit alors appliquer les dispositions générales relatives à l’inexécution des contrats (97 ou 101 CO).

Dans le cas d’espèce, il s’agissait d’un contrat d’entreprise totale portant sur la réalisation de plusieurs chalets. À la demande du maître d’ouvrage, les entrepreneurs avaient confectionné des plans avec des pièces d’habitation au sous-sol. Les espaces furent donc aménagés en pièces d’habitation. Or, selon les plans validés par le permis de construire, les sous-sols des chalets devaient être non habitables. La commune a donc engagé une procédure de régularisation de la construction.

Le maître d’ouvrage a alors dû acquérir, auprès des propriétaires voisins et de la commune, les droits à bâtir nécessaires à l’augmentation de la surface habitable. Cela a engendré des frais, sans compter l’amende administrative infligée par l’autorité communale. Il a été reproché à l’entrepreneur de ne pas avoir averti le maître d’ouvrage que l’aménagement de pièces au sous-sol entraînerait une augmentation de la surface habitable et que cette augmentation nécessitait l’acquisition de droits de bâtir supplémentaires.

 

 

La responsabilité de l’entrepreneur

 

 

La responsabilité de l’entrepreneur a par conséquent été engagée à titre principal. Le tribunal a toutefois retenu une faute concomitante du maître d’ouvrage, jugeant qu’en raison de ses compétences professionnelles il aurait pu et dû entrevoir par lui-même les conséquences juridiques et financières de l’aménagement de pièces supplémentaires. Le dommage a donc été réduit (44 CO).

Il convient ici de noter que l’amende infligée ne peut pas être incluse dans le calcul du dommage vis-à-vis de l’entrepreneur, mais doit être contestée auprès des autorités administratives compétentes.